Le pôle veille sociale de l’association ESPERER 95 porte le SIAO du Val d’Oise. Il s’inscrit dans une pratique d’allers-vers et s’adresse aux publics en situation d’errance et de grande marginalité ainsi qu’aux ménages hébergés à l’hôtel via le 115. Il regroupe les quatre dispositifs de veille sociale, déployés au sein de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise : la maraude d’intervention sociale éducative, le tiers-lieu alimentaire et l’épicerie sociale le Pélican et le projet expérimental du Bus solidaire, lauréat du plan de soutien aux associations de lutte contre la pauvreté issu de France Relance.  Marie-Joe Dubo, adjointe du pôle veille sociale en charge du dispositif, a accepté de répondre à nos questions.  

 

Pouvez-vous nous décrire en quelques mots votre projet ?  

Il s’agit d’un lieu qui se veut ouvert et convivial proposant un accueil café avec la possibilité de rencontrer une équipe médico-sociale, de participer à des animations collectives permettant de rencontrer d’autres publics et de rompre avec l’isolement. Cette action constitue une passerelle vers un accompagnement adapté aux besoins de chaque personne.  

Le Bus permet à l’équipe de se déplacer dans les quartiers gares et d’aller vers les publics ciblés par l’action. Il a été complètement réaménagé avec un coin cuisine, un coin repas, un bureau d’entretien fermé et des assises pour se détendre. La convivialité du lieu et le fait qu’il soit ouvert sur l’extérieur permet d’accueillir et d’accompagner même les plus réticents.  

 

A quels enjeux votre projet répond-t-il ? 

Le Bus a pour objectif de rompre l’isolement des personnes en situation de rue et de grande précarité. Les publics en grande exclusion et en situation d’errance dans les quartiers des gares n’ont pour la plupart plus accès aux droits. Ces personnes marginalisées ont généralement une estime de soi écornée. Elles ont souvent perdu confiance en leur capacité d’agir et ont peu recours aux institutions, dont elles peuvent se méfier. Elles ne se sentent plus capables de se rendre seules à un rendez-vous, parfois résignées face aux réponses classiques (115, centre d’hébergement collectif). L’objectif est donc d’aider ces personnes à raccrocher à un accompagnement médico-social grâce aux différents partenariats établis et redonner un sens à ces démarches pour constituer un véritable levier pour leur (ré)insertion sociale. 

 

Dans quel contexte est né ce projet ?  

En 2019, à la demande de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise (CACP), dans le cadre de la politique du « Logement d’abord », et pour répondre au constat partagé de présence de nombreux publics en errance sur la dalle Préfecture et le grand centre de Cergy, ESPERER 95 a mis en place sur ce quartier - à titre expérimental - une maraude d’intervention sociale expérimentale (la « MISE ») en lien avec les partenaires de la veille sociale et de la coordination SDF. Le bilan de cette maraude ayant été très positif, la CACP a voté le renouvellement de son financement pour deux ans minimum (soit jusqu’à décembre 2023), la MISE devenant ainsi la maraude d’intervention sociale et éducative. Parallèlement à cette expérimentation qui a démontré toute son utilité auprès des publics et des partenaires, en 2020, le contexte de crise sanitaire, économique et sociale, amenait à craindre une forte augmentation du taux de pauvreté, notamment sur le Val-d’Oise, et un accroissement du nombre de personnes en grande exclusion, avec une hausse constatée du nombre de personnes en situation d’errance sur la voie publique, et notamment aux abords des gares dans les communes et collectivités de l’agglomération de Cergy-Pontoise. ESPERER 95 a donc imaginé le projet de bus solidaire, dispositif itinérant « d’aller vers », permettant de rencontrer ces personnes marginalisées sur leur lieu de vie afin d’établir un lien durable.  

 

Quels ont été les obstacles ou à l’inverse les facilités à la mise en œuvre de votre projet ?  

L'équipe du Bus solidaire s'est appuyée sur l'expérience de la MISE qui lors de son lancement en 2020 était en phase d'expérimentation, avant d’être pérennisée en 2022. Cette maraude professionnelle gérée par ESPERER 95 sillonne l'agglomération de Cergy-Pontoise depuis maintenant plusieurs années et connaît donc bien le public ciblé par le bus solidaire. L'équipe a ainsi pu bénéficier de l'expertise de la MISE pour lever les incertitudes et risques du projet. Les travailleurs sociaux ont également initié un travail partenarial en présentant le dispositif à différents services : CCAS de Pontoise, accueils de jour, coordination SDF, etc. 

 

Quels impacts votre initiative a-t-elle ?  

L’impact recherché et déjà observé sur les bénéficiaires du bus est de plusieurs ordres. En effet, l’accompagnement proposé en lien avec les partenaires du secteur ont permis d’observer plusieurs résultats : l’accès à un hébergement, l’accès à une alimentation équilibrée, des régularisations administratives, un accompagnement effectif des problématiques addictives, etc. Ces résultats permettent d’observer de véritables impacts sur les personnes accueillies. Tout d’abord, beaucoup remontent une augmentation du sentiment d’écoute à leur égard, ce qui aide à diminuer le sentiment d’indifférence qu’ils peuvent ressentir au quotidien. On note ensuite, une plus grande estime de soi et un sentiment d’appartenance à la société plus ancré grâce à un accès facilité à leurs droits. Si d’autres impacts, comme la stabilité financière ont été observés, c’est un meilleur sentiment de sécurité qui est l’impact le plus observé. Moins isolées, les personnes sont désormais outillées pour faire face à leurs difficultés. D’autre part, on observe que les personnes qui fréquentent le bus sont nombreuses à retrouver leur pouvoir d’agir. Certaines personnes continuent de se rendre au bus même après avoir trouvé un logement car elles ressentent le besoin d’être sécurisées dans leur parcours d’insertion. 

 

Quelles sont les perspectives du projet ?  

Le projet est financé via France Relance sur 2 ans, soit jusqu'en 2023. Aujourd’hui, l’objectif pour ESPERER 95 est de passer de l’expérimentation à la pérennisation budgétaire. C’est ce qui permettra l’essaimage du dispositif par le déploiement sur d’autres villes de la communauté d’agglomération de Cergy-Pontoise et du département, voilà notre ambition pour le projet.